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Le peuple mapuche, entre mythes et réalités.

por Guillermo García Campos
Artículo publicado el 11/06/2007

Le peuple mapuche n’est pas une légende, c’est encore un de ces constats palpables  de l’exclusion et de la marginalisation produite par un trop lent et sélectif processus de démocratisation de l’Amérique latine, celui de la non intégration des peuples originaux du continent.

On connaît mal la culture mapuche, on connaît mal son histoire, ses coutumes, ses croyances et connaissances. Ceci est le résultat de siècles de négation de « l’autre », phénomène généralisé et dû essentiellement au fait de la conquête des territoires et à l’asservissement des peuples non européens depuis le XVIè siècle. Cela est un fait : beaucoup parmi nous pensons encore que les cultures ancestrales, non européennes, ne possèdent ni d’esprit critique, ni spiritualité, ni sciences exactes, ni connaissances profondes, tant l’habitude des comportements ethnocentristes et coloniaux sont persistants et ancrés profondément dans le fonctionnement  des sociétés dites développées, avec l’aggravant que ces types de discours sont souvent reliés sur place, par ceux de natifs de ces mêmes anciennes colonies espagnoles ou autres, françaises, portugaises, anglaises, hollandaises.

La culture mapuche a étendu pendant des siècles une forte influence sur de vastes contrées de l’Amérique du Sud, elle se déployait dans la quasi-totalité de l’Argentine actuelle ainsi que dans une bonne partie du Chili d’aujourd’hui jusqu’aux confins du continent, dans la froide et inhospitalière Patagonie. La culture du peuple mapuche serait le produit d’un lent peuplement de ces territoires. Les origines de ce peuple sont hypothétiques, puisqu’on affirme que trois vagues différentes, remontant à 18 000, 9 000 et  à 5 000 ans pour la troisième, auraient peu à peu habité ces régions. Deux d’entre elles seraient venues du Nord (Sibérie) en franchissant le détroit de Béring, l’une aurait traversé le continent vers le Sud, l’autre, naviguant sur l’Océan Pacifique se serait déployée le long des côtes; la dernière, l’aurait fait par la mer, mais venant cette fois de l’Océanie, dans le Pacifique Sud.

Leur quasi-extinction
D’après ces prémisses, lorsqu’on approche le peuple Mapuche et qu’on le voit lutter pour survivre dans un monde de plus en plus uniformisé,  médiatisé, converti à un seul système d’échanges économiques, mécanismes qui dominent et modélisent brutalement les cultures et modes de vie traditionnelles «non développées », jusqu’à leur effacement, on comprend mieux à quel point cela  a été néfaste, destructeur et irrationnel pour toutes ces sociétés colonisées dans le monde. C’est le cas des cultures ayant habité et habitant encore le Sud du continent américain, telle que la société mapuche.  Il s’agit, comme l’affirme le professeur Miguel Rojas-Mix dans saThéorie de l’Intégration Américaine, d’ethnocides et de génocides perpétrés à l’égard de maintes populations résidant sur ledit continent. Les travaux de l’historien L. P. Maguidovich avancent des données précisant qu’à l’arrivée des Espagnols (fin du XVème, début XVIè siècles), la population américaine globale aurait été d’environ 80 millions d’êtres humains et qu’à la fin de la colonisation, voire à la fin du XIXème siècle, près de 80% de celle-ci aurait disparu.

Ethnocides et génocides : les  processus qui se sont mis en marche, ont non seulement fait périr leurs langues, les divers modes d’expression spirituels, leurs systèmes de vie et de sociétés, tout en imposant d’autres, mais encore, ont anéanti ces populations par la destruction, la disparition massive. Telle est la réalité que le peuple mapuche a du et doit encore affronter. Comptant aujourd’hui à peine 1 million d’âmes approximativement il doit faire face à l’exclusion économique, à la négation de son identité et à celle de sa culture ;  grave situation qui empêcherait toute véritable communication et projection  vers les sociétés nationales, desquelles on l’isole, on le nie et on le présente  comme faisant partie des aspects locaux mineurs et folkloriques.

L’allégorie du peuple insoumis
« La Araucana », récit épique de la  conquête du Chili, écrit par Alonso De Ercilla y Zuñiga (1533-1594), relate avec étonnement la bravoure de ce peuple, devant lequel le colonisateur  a dû transiger, négocier, voire même abandonner des territoires ambitionnés pour pouvoir y rester,  poète et soldat espagnol, fut en réalité l’auteur de la première grande épopée américaine, qui, chose étrange pour l’époque, reconnaîtra dans ces écrits « cette guerre sans fin ; menée par un peuple indompté, fier et intelligent ». C’est en 1556 qu’il arrive au Pérou sous les ordres du vice-roi García Hurtado de Mendoza, d’où il part vers le Chili  lorsque García fut nommé gouverneur de ce pays. La structure narrative de l’oeuvre est basée sur les faits de guerre qui ont motivé la mobilisation du peuple mapuche contre les expéditions espagnoles dans le Sud de Chili. Ce matériel historique englobe une dure période pour l’envahisseur, et raconte les assauts mapuches contre les forts militaires et les villes espagnoles (Tucapel), ainsi que les batailles perdues par les Indiens eux-mêmes (Quipeo, 1558). Ce qui est certain, c’est que depuis cette époque, et pratiquement  jusqu‘à la fin du  XIXè, c’est-à-dire pendant presque quatre siècles,  le peuple Mapuche a manifesté une attitude inébranlable et soutenue à l’égard de son indépendance, menant une guerre  sans merci contre le colonialisme espagnol. Aujourd’hui, sous les bannières d’une société « démocratique », ce peuple poursuit cette quête, se mobilisant sans répit pour la récupération de terres ancestrales, le respect de son identité, de sa langue, de ses coutumes, des droits et devoirs mais, sans avancées véritablement substantielles.

Oralité et traditions
La société mapuche est essentiellement  constituée d’une culture orale, c’est seulement vers la fin du XXè que l’on voit apparaître l’écriture comme une pratique acquise et intégrée, pour produire des matériaux  qui expriment la pensée théorique, l’art, le récit, la réalité, l’être tout simplement. Auparavant et jusqu’à ces moments là, l’oralité était celle qui véhiculait tout savoir, toute connaissance, tout objet de communication. Comme nous le savons, pour qu’il y ait transmission d’une histoire, il faut une langue, aujourd’hui, celle-ci se maintient essentiellement dans les 8è, 9è et 10è régions du Chili (Temuco, Osorno, Puerto Montt, Chiloé), là où se trouve concentré le groupe le plus nombreux de Mapuches, celui qui manifeste un degré majeur de conservation des coutumes, traditions et usage de l’idiome. De l’autre côté de la cordillère des Andes, en Argentine, de manière plus nuancée, c’est dans les provinces australes du Chubut, La Pampa, Neuquén, Rio Negro, qu’une minorité d’indiens vivant dans les « Réserves » (nom que les autorités ont donné aux terres qui leur sont destinées) maintient l’usage de la langue et des coutumes.

Nous savons aujourd’hui que les jeunes, pour accéder au monde des adultes, devaient passer à seize ans une dure épreuve d’éloquence orale devant le chef de tribu. Nombreux sont les chroniqueurs qui font état des dons rhétoriques du peuple mapuche. Dans son Histoire du Chili, notamment, le Père Rosales dit : «les Indiens entraînent leurs enfants depuis le plus jeune âge à l’exercice de la parole, parce qu’ils savent l’importance qu’a celui qui parle bien au sein du groupe, le contraire est exaction, et n’autorise pas à devenir chef, même pour un descendant de cacique ». Le mot cacique vient du Mexique et a été introduit par les espagnols. Dans le lexique mapuche ce mot est : qülmen, et veut dire « l’orateur », celui qui parle bien. Effectivement, même aujourd’hui, il est indispensable de dominer avec excellence la langue native pour exercer la suprématie dans sa communauté.

Genres littéraires
Le besoin d’exprimer à travers des récits  différents, les concepts philosophiques, religieux, cosmogoniques, historiques, logiques, pédagogiques, poétiques, de fiction etc, existe dans toute société humaine. Ils conforment l’histoire des peuples et sont en quelque sorte leur carte d’identité, la radiographie d’un corps social inscrit dans une évolution donnée. Mais les classifications littéraires que nous connaissons proviennent toutes, ou en majorité, de formes fondées sur l’écrit. Comme nous l’avons vu, la société mapuche a manié historiquement des formes et catégories différentes basées sur l’oralité, mais non exemptes de structure ou de signification symbolique transcendante. Elles  sont depuis peu prises en compte par les théoriciens de la littérature (M. Bajtín, 1973) ; de nombreuses dénominations ont tenté  de les expliquer. Voici un bref parcours de ces formes, pour essayer de montrer la place prépondérante qu’elles ont dans la structuration de la personnalité mapuche.

Dans une première classification nous retrouvons par exemple : les «cantos » et les «no cantos» (chants et non chants), à l’intérieur de ce genre de  structure que nous appellerons « littéraire orale », nous trouvons des subdivisions de genre narratif. Nous allons nous arrêter un instant sur l’une d’elles, l’« epew », qui est un conte de fiction. Le mapuche l’explique comme « ce qui n’a pas eu lieu ».  Les epew les plus fréquents ont pour protagonistes des animaux, tels que le puma ou le renard ; ce dernier incarne la ruse, le premier représente la force. Dans ces récits, ils agissent comme les hommes ; en ce sens, nous pouvons rapprocher cette forme littéraire « epew », de celle que nous connaissons comme la « fable », puisqu’elle contient une morale. Ces « epew » existent aussi dans d’autres modalités : dans leur formule « mythique », ils serviront à communiquer les mythes anciens, ou à évoquer  les êtres surnaturels. Un autre type de « epew » est celui qui se rapproche du conte merveilleux de notre littérature. Nous distinguons aussi le « ngütram » qui veut dire « converser » et qui est un récit historique non structuré comme une narration, bien qu’il possède des éléments narratifs, sa fonction étant de décrire ou d’expliquer un fait. Il existe d’autres catégories de « epew », ayant une autre forme et un autre sens tels que les « kwifike dungu » notamment, et qui transmettent les paroles anciennes, sacrées ou vraies.

Une autre réalité
Nous pourrions prolonger  cette vaste liste de structures «littéraires orales » mapuches indéfiniment, mais pour essayer de situer  une des grandes différences qui séparent cette culture de celle de « l’occident rationaliste », nous dirons que c’est le concept de réalité qui constitue l’axe principal  de scission entre elles. Ainsi, dans l’univers mapuche la nature occupe une place prépondérante ; en elle, tout possède vie ; elle se manifeste en transcendant la matière pour montrer son pouvoir, l’homme lit et entend son langage. En elle coexistent des animaux bénéfiques ou maléfiques, une « surnature » peuplée d’êtres horrifiques ou difformes, incomplets…; tous,  les bons et les mauvais, constituent un aspect de cette réalité vécue par lui : « ils les ont vus, ils ne les ont pas rêvés ». Le réel, tel qu’il est envisagé par le Mapuche, explique que ce qui lui est transmis par la narration historique notamment, est authentique, puisqu’il retrouve les éléments de sa conception du monde. Voilà ce que la culture européenne, celle qui est allée à l’encontre des peuples ancestraux de l’Amérique, a définitivement effacé dans ces cultures : des nombreux et lointains univers spirituels très différents de celui du rationalisme européen, tous, profondément ancrés dans une relation intime de l’homme et  son environnement.

Des chiffres qui parlent
Au Chili, pour accéder à l’école primaire un enfant mapuche doit pouvoir payer environ 20.000 pesos en moyenne par trimestre, alors que le revenu de nombreuses familles rurales ne dépasse pas, le plus souvent, 150 000 à 200 000 pesos trimestriels. Si l’on multiplie ces frais fixes par trois ou quatre enfants en âge de scolarité, il devient évident que la scolarisation est réservée aux riches.   (1 peso = 0,000128218 €) (150.000 pesos = 192,327 €)

Selon le très officiel rapport de la « Comisión de Superación de la Pobreza » (commission pour la suppression  de la pauvreté),  réalisé par le gouvernement chilien, seul un 1,1% des enfants de familles où les parents n’ont pas été scolarisés plus d’un an arrivent à avoir par la suite, une éducation scolaire de plus de 15 ans (donc, complète). Au niveau national, 2,2 % des jeunes des familles les plus pauvres du Chili terminent leur scolarité au niveau de l’école primaire.

Selon le rapport de cette même commission, la 8ème région compte 18,5% de sa population en dessous du seuil de pauvreté, la neuvième région 6,7 % et la dixième 8,2% soit un total de 33,4 % de personnes vivant à la limite de l’indigence dans les trois régions à forte concentration de population mapuche. Ces chiffres ne prennent pas en compte les 20,9% de la population chilienne classée comme indigente.

Le système éducationnel chilien n’a jamais pris en compte les spécificités culturelles des enfants mapuches. Tout le monde étant par définition chilien pour l’Etat de ce pays, il est dès lors sans intérêt d’adapter des politiques d’éducation pour seulement 10% de la population nationale, même si, dans les régions signalées plus haut, le pourcentage des Mapuches avoisine parfois les 60% de la population en âge de scolarisation.

 

Sources et  bibbiolgraphie  :
Tres Entidades Wekufü, Else María Waag,  editorial Universitaria, Argentina, 1982.
Cuentan Los Mapuches, Antologia dirigida por César A. Fernandez. Nuevo Siglo,  Argentina, 1999.
La Araucana; Alonso de Ercilla y Zuñiga , Editorial  Losada, Argentina, 1942.
Historia del descubrimiento y Exploración de Latinoamérica, I. P. Maguidóvich, Editorial Progreso, Moscu, 1972.
Compendio de la historia jeográfica, natural i civil del reyno de Chile, Santiago de Chile, 1887 (tomo XI ) Gómez de Vidaurre; Biblioteca Nacional.
Los Araucanos i sus Costumbres, Ruiz Aldea. Ed. Miranda,Santiago Chile, 1902.
La organización y las creencias religiosas de los antiguos araucanos, Latchman Ricardo, Ed. Museo de Etnología y Antropología de Chile (t. III, 2,3,4,) 1924.
L’intégration américaine, conférence, Miguel Rojas Mix. Bruxelles, 2004.
Historia de Chile, Padre Rosales, 1850, Biblioteca Nacional,  Chile.
El carácter progresivo de la teoría de los sueños mapuche, Nakashima Degarrod Lydia : Actas de Lengua y literatura Mapuche, Temuco, 1986.
La pobreza en Chile : un desafio de equidad y integración social. Consejo Nacional para la superación de la pobreza Santiago de Chile, Agosto, 1996.
Historia del pueblo Mapuche, Jose Bengoa, Ediciones Sur, 1987.
Estadisticas de escolaridad. Gobernacion de Osorno y Ministerio de la Educacion X región, Sur de Chile.

Education Chilienne et négation de l’Histoire Mapuche, Elsa Pépin*, 2002.  Chercheur en Sciences de l’Education, Présidente de l’association LA LICORNE EL UNICORNIO et de l’Association Huilliwerken. Praticienne en Histoires de vie collectives et individuelles.

masdelautor

 

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