La poésie de Waldo Rojas cause une étrange impression, à la première lecture, comme si elle nous invitait sans cesse à un jeu d’énigmes. Non pas qu’elle se pose comme langage hermétique, clos sur lui-même et susceptible de décodage ardu, voire même fastidieux, mais parce qu’elle s’offre, au contraire, comme discours du «déjà lu»; (1) une sorte de promenade à travers les paysages de la mémoire référentielle, qu’a très bien mis en évidence Enrique Lihn dans son introduction à El Puente oculto. (2) La plupart des poèmes s’inscrivent en effet, dans un «double jeu» d’épigraphes, de citations, de glose d’auteurs aussi divers que Kafka, T.S. Eliot, Mallarmé, Juvénal (dont une douzaine au moins figurent clairement en exergue ou en note), mais aussi de références cinématographiques ou picturales, moins faciles à cerner, bien que sollicitant tout autant la curiosité du lecteur. Ces visions, ces tableaux, ces scènes, à la fois mystérieuses et connues, cette broderie de l’écriture autour du dire de l’autre, cette impossible ligne de partage entre ce qui appartient au sujet parlant du discours et ce qui lui est étranger crée une sorte de fascination et de malaise, d’autant plus ambigus que le narrateur intervient rarement à la première personne. Qui parle, de quoi parle-t-il? Quel est le sens profond de ce travestissement perpétuel? Pourquoi ce besoin incessant de poser des jalons, de signaler des pistes, que l’on s’empresse aussitôt de brouiller, de bâtir une œuvre en la nourrissant d’une autre? L’on rétorquera sans doute que c’est là le propre de toute culture, et que le poète se situe précisément à la frontière indiscernable de la «dépendance et de la liberté», objet même de cette réflexion. Peu d’auteurs, en effet, sembleraient aussi bien que Rojas se prêter de façon si adéquate à une recherche sur le mythe rebattu et jamais épuisé de l’identité culturelle latino-américaine. El Puente oculto, et sa quête obstinée du référent européen, c’est d’abord, et par une approche sommaire, cela même: un pont établi entre deux cultures, artificiellement disjointes, et volontairement démarquées l’une de l’autre, comme si le poète avait éprouvé l’urgence de crier sa double appartenance, et la nécessité tout à la fois de masquer son écriture en glosant le discours des «anciens».
Le recours au référent se manifeste dans l’œuvre de Rojas à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le plus flagrant, les titres. Certains sont empruntés à la littérature latine: «Consejo tomado de Marcial», p. 94 – «De rerum natura», p. 71. Ou la, paraphrasent: «Epitafio a un tirano», p. 98, s’inspire d’un poème de Juvenal. D’autres sont des citations, non attribuées, mais aisément reconnaissables; il en va ainsi pour le vers de Mallarmé: «Et le bel aujourd’hui…», p. 108. On trouve également des emprunts nettement moins littéraires, comme «No entregaremos la noche», p. 97, fragment d’un discours du général Leigh, ex-membre de la Junte de 1973, comme le précise Rojas dans ses notes finales. Certains intitulés sont modifiés: «L’Éducation sentimentale» de Flaubert devient «Reeducación sentimental», p. 89. D’autres sont encore repris de Mallarmé: «Página de album» rappelle les «Feuillets d’album» du poète français. (3)
Viennent ensuite les épigraphes, assez nombreuses, de Kafka, Daumal, Huidobro, Ronsard, etc… La référence en est généralement incomplète (n’apparaît jamais le titre de l’œuvre dont elles sont extraites).
Dans le corps du poème peuvent surgir également des vers entiers, traduits, provenant d’œuvres étrangères. Dans ce cas, Rojas adopte deux attitudes. Ou bien il met une note en bas de page, rendant scrupuleusement à César ce qui lui appartient: ainsi «Fruto ciego, árbol viviente», condensation d’un vers de René Char: «Le fruit est aveugle. C’est l’arbre qui voit» (p. 51), ou encore, p. 44, «El virgen, el vivaz, el bello hoy día», dont l’origine mallarméenne ne nous est pas cachée. Ou bien le poète intègre la citation dans le texte, parfois avec des guillemets, mais sans en donner l’origine. C’est le cas du vers de T.S. Eliot, dans «Catedral de Canterbury», p. 103 (y «qué es este rocío pegajoso / que se posa en el dorso de mi mano»), mais que l’épigraphe, tirée de Meurtre dans la Cathédrale, permet de resituer aisément. (4)
Le poème tout entier peut aussi s’articuler autour d’un autre texte, dont il constitue la glose, ou la variante, comme «Círculo de Boj», p. 73, qui fut à l’origine un exercice de style sur le quatuor «Burnt Norton», également d’Eliot, comme le signale Enrique Lihn.(5) Parfois s’entremêlent des référents plus obscurs: reprise de thèmes de Mallarmé ou de Baudelaire («L’Albatros», le «Cygne», «Icare»), dans «Pájaro en tierra» ou «Cormoranes»:
«Así se ha vuelto a ver en este sitio sin memoria
a los grandes pájaros de las fabulaciones
arrastrar como un andrajo su vuelo ultramarino.»
«Cormoranes», p. 55
(«Un cygne qui s»était évadé de sa cage
Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec / Sur le sol raboteux
traînait son blanc plumage…»). (5)
De Baudelaire, aussi, l’image trompeuse de l’aimée, à la fois masque et vampire, reprise dans «Malas artes», p. 45. De Mallarmé, encore, les thèmes de l’hôpital et des fenêtres, (6)que l’on retrouve de façon réitérative dans de nombreux poèmes de Rojas («Ventana», p. 44 ou «Visitar a los enfermos», p. 37), ou bien celui du hasard («Jamais un coup de dés n’abolira le hasard»), qui constitue une sorte de fil d’Ariane dans l’écriture du poète chilien:
«Rodar de dados por el suelo
y el demencial dispendio del azar que ellos no anulan»
«Espejo de bar», p. 43.
N’oublions de mentionner le cinéma, ainsi que le remarque judicieusement Enrique Lihn: «Le septième sceau» de Bergman fournit la matière de «Ajedrez», p. 22.
Mais il devient vite fastidieux de se livrer à cette sorte de repérage, qui ne saurait entrer dans le cadre de cette étude. Prise de parole asservie, dira-t-on, limitée, encadrée, colonisée. Que reste-t-il alors de Rojas, l’homme, le poète, derrière cette nécessité, apparemment bien stérile, de justifier son existence poétique par celle des autres?
«Memoria construida de otra memoria con escoria y desechos (…)
palabras que están claras pero en una jerga incierta
y que yo no diría si no fuera a propósito de las palabras»
«Círculo de boj», pp. 73-75.
Réduit par «el arte falaz de la palabra» (6) à imiter, copier, emprunter le chemin déjà suivi par d’autres, il ne s’interroge pas vainement, ne s’insurge pas contre cette nécessité impérieuse, mais s’y plie, au contraire, comme une sorte de destin inéluctable:
«Se camina aquí a nombre del caminar
y todo se hace a nombre de otro nombre, en virtud de otra virtud
desconocida».
«Parábolas del parque II», p. 58.
Faudrait-il se cantonner à ces observations schématiques, qui bien évidemment laissent de côté la beauté et l’originalité de cette écriture douloureuse? Réduire Waldo Rojas à une fatale complaisance pour la parole d’autrui, qu’il souligne lui-même volontiers, serait non seulement simpliste, mais ridicule; la fascination pour les jeux intertextuels, et les combinaisons (subtiles) de discours, ne sont pas redevables de la dépendance, mais au contraire de l’habilité à re-créer, à façonner un univers personnel tout pétri de réminiscences poétiques et culturelles, derrière lequel se dissimule un grand poète. Loin de se confondre, comme il voudrait le prétendre, avec ces «hommes creux» dont nous parle Eliot («We are the hollow men / We are the stuffed men / Leaning together / Headpiece filled with straw…»), (7) Rojas nous invite continuellement à discerner au sein de sa poésie les mille indices qu’il va semant, et qui nous permettent de remonter à la source du travestissement:
Ocúltate, me digo.
Cual en otro tiempo así debieron hacerlo las voces de los niños
en torno de la fuente;
porque una voz es siempre un cuerpo
más su cercanía tibia o fría,
a flor de manos,
un escondite para el cuerpo tras la piedra del estanque.
Porque de esa manera con que transcurre el desenlace
en el infantil juego de los ocultamientos,
tal vez alguien haya ahí, acechante, o algo,
y una voz que me habla a ciegas nada diga
que yo no haya pronunciado cien veces en silencio.
(…)
Ocúltate. Me dicen.»
«Círculo de boj», pp. 73-75.
Jeux d’occultation et de masques, telle est en effet cette forte poésie, qui utilise le discours d’autrui comme un rempart contre une vérité, en partie connue, mais que l’on veut protéger du regard de l’autre, parce qu’elle blesse et qu’elle risque de laisser le moi à nu et sans recours. Poésie qui se veut défense, muraille, forteresse, fermée à double tour: «Cerrado a doble llave» (p. 85), «Ciudadela» (p. 82). Comme le rêveur de Kafka, qui s’éveille transpercé par l’épée d’anciens chevaliers qui ont fait irruption dans son rêve, le poète redoute qui l’intrusion de l’angoisse et des doutes, la terreur qui se libère dans le cri:
Limpio el grito se abre paso
y lo están oyendo ahora el dormido y su consorte
en medio del loco agitarse de las sábanas:
¡Qué hay! ¡qué hay!
«El grito», p. 35.
Il convient à ce propos de s’étendre plus longuement sur l’épigraphe de Kafka, et sur son utilisation par Rojas, très révélatrice de son maniement du référent. La citation, comme toujours chez le poète, est détachée de son contexte, reproduite de façon incomplète, et sans référence précise à l’œuvre dont elle est extraite: «¿Quién es el que permite que estos viejos caballeros ronden en nuestros sueños?. Elle provient, en fait, d’un récit tiré de La Muraille de Chile, intitulé «L’épée». (8) L’épigraphe, citée dans son intégralité, est la suivante:
«Qui permet à d’anciens chevaliers d’errer dans nos rêves en brandissant leurs épées et en perçant de paisibles dormeurs?».
Le poète ne retient donc qu’une partie de l’énoncé —l’irruption d’anciens chevaliers— qui nous conte autre chose que le récit de Kafka: une scène de banquet étrange, où un mystérieux amphitryon convie le narrateur à consommer le néant:
«Insiste el convite de la mano, impulsa más bien, empuja
hacia unos platos vacíos, las botellas transparentes,
el barniz de las paneras.
Si no para el que sueña,
¿para quién el gracioso ofrecimiento de la nada
que relumbra al centro de esas viandas?
«El grito», p. 35.
Ainsi Rojas, du récit de Kafka, ne retient que l’armature: le thème du rêve. Mais il s’en écarte résolument au niveau du signifié profond, qui devient le vertige du néant, dans un contexte par ailleurs très évocateur du banquet de Don Juan. Image du néant, qui pourrait bien être l’une des articulations fondamentales de l’écriture du poète chilien, tout comme elle semble l’être pour Mallarmé…
«Rien, cette écume, vierge vers
à ne désigner que la coupe;»
«Salut» (9)
En outre, Rojas modifie le ton du récit de Kafka: «L’épée» nous est conté sans angoisse apparente, comme si le dormeur eut établi une passerelle —un pont— entre le monde du sommeil et celui du quotidien. Pour le poète, ce rêve devient cauchemar, épouvante, et le contraint à expulser l’angoisse par son cri (qui n’est pas sans nous rappeler, puisque nous sommes en plein dans les jeux intertextuels, le célèbre tableau de Munch).
Ce même procédé du détournement, par lequel le poète s’approprie le discours de l’autre, préside à son travail sur le quatuor de T.S. Eliot, «Burt Norton». (10)
De cette longue méditation sur le temps, articulée autour d’éléments structurants: le buis, le bassin, le jardin, l’oiseau, les enfants, les roses, etc…., Rojas ne garde que le décor. Le signifié est autre. L’omniprésence du temps se voit remaniée, transformée en une réflexion très dense sur le souvenir, la mémoire, l’usure, la décrépitude, et nourrie par la hantise du masque. Là où Eliot nous invite à descendre plus bas, «dans le monde de la solitude perpétuelle», Rojas nous communique son malaise vital, l’impression permanente de «ne pas être», ou d’être «à côté», déplacé, exclu, irréel en somme:
«Soy el fruto defectuoso o la llave equivocada,
en ese punto en que alguien llega, después de algunos años,
a la Casa,
remueve a herrumbre de la verja atascada
y en el gesto congelado de su cara,
(…)
late oculta la crisálida de un grito».
«Círculo de boj», p. 75.
Nous retrouvons l’enchaînement de l’angoisse et du cri du poème antérieur. Ce cri, c’est la certitude de la blessure, de la rupture des verrous protecteurs, qui retiennent prisonniers les mauvais rêves, et la vision de ce qui doit demeurer caché:
«La fuerza del cerrojo en los entrepaños de la puerta
(…)
Esto es,
la estabilidad vacilante del poder del tiempo
mantenido a raya,
un entreaguas pulsante,
entre el dato exterior de los sentidos y su escritura
en la tabla rasa,
y el poder de agostada fuerza con que el sueño y sus figuraciones
defiende la diezmada fortaleza
reducida ahora al atalaya y las almenas»
«Una noche del príncipe», p. 39.
Ainsi, le travestissement du discours d’autrui se renforce de symboles récurrentes au sein de l’œuvre même du poète, qui incorpore sentiments, impressions étrangères, mais les dépouille le plus souvent de leur forme, de leur contenu, ou carrément de leur contexte. Exemple extrêmement frappant de l’ambivalence de Rojas, masqué derrière la parole de l’autre pour mieux la phagocyter, protégé par sa carapace de discours aliéné pour mieux libérer ses pulsions agressives: l’incorporation, et finalement l’anéantissement de l’œuvre originale. Il n’y a plus là l’ombre de la dépendance initiale, mais tout au contraire, «colonisation», voire même «exploitation» de l’extra-texte.
Comme écrit Sartre à propos de Mallarmé: «Tu manifesteras par ton œuvre que tu tiens l’univers à distance (…) (La recherche de l’idéal) servira d’alibi: on dissimulera le ressentiment et la haine qui incitent à s’absenter de l’être en prétendant qu’in s’éloigne pour rejoindre l’idéal». (11) Tenir l’univers à distance: n’est-ce pas aussi le but que se propose Rojas? «L’inspiration? Des réminiscences, un point c’est tout», écrit encore Sartre. L’homme de Mallarmé comme celui de Rojas «s’arroge (le) devoir de tout recréer avec des réminiscences», parce que «tout a été dit, l’on vient trop tard». Et ainsi, en remaniant, modifiant, glosant, détournant l’objet de l’écriture initiale, le poète affirme que son «défaut d’être» est une «manière d’être». (12) Le discours de l’autre ne fournit plus la matière de l’œuvre, pas même un support, mais débouche sur une autre parole, qui anéantit son prétexte pour mieux manifester son existence et son authenticité.
L’idée de fermeture, de défense, qui justifie la nécessité de l’écriture, se prolonge dans celle d’ouverture, de fenêtre, de rideaux, qui voilent, qui occultent, dissimulent, mais laissent passer la lumière —la «lettre» de l’inconscient— et symbolisent, quand ils sont entr’ouverts, écartés, soulevés, le désir du poète d’accéder à cette «lettre». La vitre, le verre, l’en séparent encore, mais comme le voilage, ils laissent transparaître un peu de cet univers redoutable, qu’il convient tant de cadenasser; Fenêtre, généralement associée à l’idée de lumière, de soleil («Ventana», p. 44), mais aussi, de façon dichotomique, de nuit et d’aveuglement («Ojo furtivo», p. 84), comme si le regard, pressentant le jeu de miroirs auquel il se livre, craignait de se retrouver confronté à lui-même, et de se perdre alors dans les ténèbres intérieures:
«Ventanas.
¿O espejos?
«Cuento para insomnes», p. 64.«A este lado de la verdad, verdor y landas,
descorro yo la gasa pálida,
contemplo el estupor de lo que veo
como desde adentro de una pulsante llaga,
o es que veo que me miran mientras digo
lo que hago y callo lo que muerdo»
A este lado de la verdad, p. 69.
Car c’est à cela que le poète nous entretient, derrière son jeu de masques, derrière le travestissement de son discours: non pas prisonnier de la parole de l’autre, mais à l’abri de son œil perspicace et de son jugement cruel sur la réalité qui le déchire; libre de se dire, sans que le sachions, libre de dévoiler l’inquiétante étrangeté de son être, qui le fascine et l’épouvante. Corps pétrifié, corps en ruines, tout de marbre mais aussi de fissures, par où se manifeste l’obsédante présence de l’usure, du silence, de la décomposition, thème central de cette œuvre:
«Ya no podría asegurar que soy el que contempla,
totalidades de mi nada,
la suma interminable o el diezmo sin rencores
a cuya sombra recrudecen nuestras ruinas.»
«De rerum natura», p. 71.«¿Conoces siquiera la letra muerta de la sed que sacias?
Volverás sin nueva invitación a tu ciudadela fingida,
la de tus avenidas sin espesor, de las ventanas ilusorias,
aquella adonde muros, humos; adonde seres, voces
que simulas confundir con tu nombre,
tu tierra más amiga, tu morada más fría.».
«Spionnetjes», p. 107.
Absent et masqué pour le monde qui l’entoure, vulnérable dans sa coquille de mots, le poète tente sans casse de se réconcilier avec la réalité, avec la prescience de la mort, avec le sentiment de son inexistence, qu’il conjure indéfiniment: de l’autre côté de son pont symbolique, il harcèle le langage, il l’exhorte à lui donner vie. En nommant les êtres et les choses, peut-être se nommera-t-il lui-même, et son corps, enfin investi par son désir, acceptera la chair et le sang, la jouissance ou la mort:
«A este lado de la Verdad
donde me quedo a ver si nazco,
el Río, símbolo de nada,
zanja el fluyente rencor
de las piedras y del cieno,
(…)
y yo, que digo un límite
para todo lo que repta, corre o pasa,
sueño un sueño en el que nombro
a las cosas por su muerte
y muerdo aquello que se agita
cual el filamento del limo
en el agua destrenzada,
«A este lado de la verdad», p. 69.
Poésie toute imprégnée de ses racines européennes, d’essence ontologique, à l’ombre du sentiment d’étrangeté d’un Kafka, pétrie de la recherche formelle d’un Mallarmé, mais aussi parfaitement insérée dans une certaine tradition chilienne, quoique moins connue, d’un Rosamel del Valle (13) ou d’un Humberto Díaz Casanueva, c’est ainsi que pourrait se définir l’écriture de Waldo Rojas. Comme ces écrivains, marqués par les grands mythes et les traditions du passé, qu’ils redécouvrent ou réinventent, Rojas se situe dans une frange incertaine où se fondent de multiples courants, en quelque sorte le «melting pot» de l’écriture latinoaméricaine, ni dépendante, ni libérée: autre. Par son utilisation très spécifique du référent, le poète chilien affirme de la sorte son appartenance à la Culture, tout en lui faisant subir de subtiles altérations, par lesquelles il fait sienne, et exprime, masqué, sa propre vérité.
Évelyne MINARD
Université de Paris XIII-Villetaneuse.
Article originellement paru dans Annales Littéraires de l’Université de Franche–Comté (Besançon), Hommages au professeur Jaime Díaz–Rossotto, 416, 1990, pp. 575–585. Reproduit dans: Nouvelle Europe, n° 70–73, Luxembourg, 1991–1992, pp. 26–32; publié en traduction espagnole de Ana María del Re, sous le titre de «El juego de máscaras. Sobre la poesía de Waldo Rojas», dans Número Quebrado, n° 2, dic.1989, Santiago de Chile, 1989, et dans Imagen, n° 100–74, Caracas, Venezuela, Febrero, 1991, pp. 42-43.
1 Au sens du «déjà vu» freudien. Psychopathologie de la vie quotidienne, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1975, pp. 282-285.
2 «En la inauguración del Puente oculto», Madrid, Ediciones LAR, 1981, pp.9-13.
3 Poésies, Paris, N.R.F., Coll. Poésie/Gallimard, réed. 1984.
4 Meurtre dans la Cathédrale, Paris, Éd. du Seuil, réed. 1964, p. 109.
5 Op. Cit.
6 Les Fleurs du mal, Paris, Aux Quais de Paris, 1959.
7 Mallarmé, «Les fenêtres», Op. Cit., p. 28.
8 «De rerum natura», p. 72.
9 Poésie, Paris, Éd. du Seuil, réed. 1969, p. 106.
10 Paris, Gallimard, réed. 1986, p. 218.
11 Mallarmé, Op. Cit., p. 19.
12 T.S. Eliot, Poésie, Paris, Éd. du Seuil, 1969, p.157.
13 «Préface» de J.P. Sartre, dans Poésie de Mallarmé, Op. Cit. p. 5-15.
14 J.P. Sartre, Op. Cit. Souligné par l’auteur.
15 Voir Federico Schopf, «La poesía de Waldo Rojas», Eco, n° 187, Mai 1977, pp. 64-79.
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